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Survie Midi Pyrénées

Le "Dossier noir" de l'armée française en Afrique, entretien (Africultures)

28 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Ouvrages, dossiers, essais et romans...

28|04|2010
Le site et la revue de référence des cultures africaines



Le "Dossier noir" de l'armée française en Afrique

entretien de Dénètem Touam Bona avec Raphaël Granvaud

 

" Que fait l'armée française en Afrique ? (1) ", c'est le titre du dernier " Dossier noir " de l'association Survie paru aux éditions Agone. Un dossier on ne peut plus actuel en cette année de commémoration du cinquantenaire des indépendances africaines. Rencontre avec son auteur, Raphaël Granvaud, qui revient sur certaines questions abordées dans ce dossier.

 
La troisième partie de votre livre s'intitule "la réhabilitation du colonial", j'ai ressenti un vrai malaise à sa lecture. Je ne savais pas que l'armée française, du moins les forces spéciales opérant en Afrique, étaient travaillées à ce point par la nostalgie du colonialisme. Je me demande s'il ne faut pas voir dans la forte implication militaire française en Afrique, au-delà des enjeux économiques et géopolitiques, une manifestation de puissance. Comme si la France n'avait toujours pas digéré les indépendances africaines, comme si elle ne pouvait renoncer à être une "plus grande France" (formule qui désignait l'empire français)…

 

      Les hommes politiques le revendiquent très clairement, qu'il s'agisse de Mitterrand, de Chirac ou de Sarkozy, on retrouve toujours dans leurs discours l'idée que "la France doit garder son rang dans le monde". On sent bien que c'est l'argument qui légitime le maintien de cette présence militaire en Afrique. Bien sûr cette présence offre de nombreux avantages : elle conditionne, dans une large mesure, la possibilité d'entretenir des situations de monopole économique dans certains pays et de surveiller des ressources stratégiques.


     
D'ailleurs certains régimes africains comme ceux du Tchad ou de la Centrafrique ne tiennent que par la force des armes, que par le soutien de l'armée française.

      Depuis les indépendances, le prétexte majeur du maintien de la présence militaire française c'est de défendre les pays africains, avec lesquels on a passé des accords militaires, contre des agressions extérieures. Dans les faits, il n'y a quasiment jamais eu d'agressions extérieures, l'armée française n'a servi qu'à gérer les problèmes internes à des régimes confrontés à des rébellions armées ou à des mouvements populaires.


     
Le plus souvent, les armées des Etats africains postcoloniaux se comportent vis-à-vis de leurs propres populations comme des armées d'occupation. Leurs forces armées sont conçues avant tout pour répondre au péril de l' "ennemi intérieur" et non à celui d'une agression extérieure. Vos analyses montrent clairement la responsabilité de la France dans cet état de choses.

      Absolument, ça faisait partie du kit théorique doctrinal qui a été inculqué aux officiers africains formés dans les écoles militaires françaises. Il faut rappeler qu'au moment des indépendances, les armées africaines sont créées de toute pièce : elles constituent alors une sorte de prolongement de l'armée coloniale française. Les armées africaines sont des filiales de l'armée française, elles sont structurées sur le même modèle, formées à partir de la même idéologie : la doctrine militaire de la "guerre révolutionnaire", de la "contre-insurrection" qui veut que le rôle principal de l'armée soit le "contrôle de la population". Mais pour les armées africaines, il ne s'agit pas du contrôle d'une population étrangère comme dans le cas de l'armée française en Algérie. La mission des militaires africains est de contrôler leurs propres populations, mais avec les mêmes méthodes que l'armée française a employées dans ses guerres coloniales. C'est ce qui s'est passé au Cameroun, au moment de l'indépendance, dans la guerre sanglante menée contre les maquis de l'UPC (Union des Populations Camerounaises). Dans le cas du Rwanda, le chercheur Gabriel Périès a retrouvé des mémoires d'officiers rwandais, formés en France dans les années 80-90, dans lesquels on retrouve cette obsession de lutter contre l'ennemi intérieur, de mettre en œuvre des tactiques contre-insurrectionnelles. Menée à son terme, la logique du " contrôle de la population " conduit au génocide…


     
En dressant la généalogie de la guerre contre-insurrectionnelle, votre livre souligne les continuités et similitudes qui existent entre guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie et guerres postcoloniales du Cameroun (une guerre occultée) et du Rwanda.

      Je n'ai fait que rapporter des travaux qui existent sur le sujet. Officiellement, depuis la fin de la guerre d'Algérie, ces théories contre-insurrectionnelles sont remisées et des méthodes comme la torture ou la guerre psychologique proscrites. Dans les faits, il y a eu une première vague d'exportation des tactiques anti-subversives françaises à destination des dictatures sud-américaines : des gens comme le général Aussaresse (connu pour ses révélations sur l'usage systématique de la torture en Algérie) ont pu ainsi continuer à transmettre leur " savoir-faire "… Puis ce savoir-faire anti-insurrectionnel a été recyclé en Afrique francophone pour gérer les indépendances et la période post-indépendance. Moi, ce que j'ai essayé de montrer, c'est que cette tradition de la "guerre révolutionnaire" se poursuit aujourd'hui, de façon plus subtile. Quand on lit les publications militaires contemporaines, on retrouve des références à des gens comme Trinquier (théoricien principal de la "guerre contre-insurrectionnelle"), mais aussi des références aux techniques de conquête coloniale de Liautey ou de Gallieni (guerres coloniales de "pacification" fin 19ème - début 20ème siècle) ; des stratèges qui reviennent au goût du jour quand il s'agit de penser des situations de conflit comme celles de l'Afghanistan ou de la Côte d'ivoire.


     
Sur le plan des savoir-faire et des discours, l'armée française entretient donc un rapport intime avec son histoire coloniale. Y a-t-il une spécificité de l'armée française de ce point de vue là ?

      Les militaires français considèrent qu'il y a une tradition culturelle française plus forte que celle des anglo-saxons sur le plan du contact avec les populations. L'armée française prétend détenir un vrai savoir-faire lui permettant de mieux se faire accepter en tant qu'armée d'occupation. C'est la question du "contrôle des populations". Pour les militaires français, il ne faut pas faire comme les Américains qui arrivent, militairement par la force, et qui ensuite se barricadent. L'armée française se flatte d'être capable d'agir de manière psychologique, en menant des opérations "civilo-militaires" pour faire accepter auprès des populations civiles la présence des militaires. Toujours avec cette idée, qui remonte à l'Indochine, qu'on va pouvoir séparer dans la population le bon grain de l'ivraie, et couper les rébellions de leurs bases populaires.


     
L'armée française a-t-elle recours à des savoirs de type ethnologique dans son approche des populations des pays occupés ?

      Quand on gratte un peu, on retombe toujours sur une espèce de prêt à penser, directement issu de la période coloniale. Les forces spéciales françaises sont sensées, en plus d'un savoir-faire proprement militaire, posséder un savoir culturel, ethnologique qui les rendrait plus à même d'opérer dans certaines zones géographiques du monde, en particulier en Afrique. Ces savoirs "culturalistes" reposent sur des conceptions complètement dépassées d'un point de vue universitaire. Quand on lit des interventions d'officiers dans des colloques, on trouve des choses absolument ahurissantes comme : "la présence de l'armée française est nécessaire parce que les Africains ont du mal à se projeter dans l'avenir". Les mêmes clichés éculés qui émaillaient le discours de Dakar de Sarkozy : ce vieux fond colonial qui prétend être une connaissance permettant une intervention sur des populations.


     
Revenons sur le cas du Cameroun, le premier pays africain, en 1960, à accéder à l'indépendance (le 1er janvier). Du milieu des années 50 au début des années 70, il s'est produit une véritable guerre dans ce pays : des dizaines de milliers de morts, plus de 100 000 selon certaines sources. Cette guerre menée contre l'UPC par un régime à la solde de la France relève-t-elle, elle aussi, de la guerre "anti-insurrectionnelle" ?

      Le chercheur Gabriel Périès a montré récemment comment les dispositifs mis en place en Algérie ont été décalqués au Cameroun à la même époque (2). Le quadrillage des territoires, la torture à grande échelle, la déportation des populations, la politique de la terre brûlée, tout ce qui se faisait en Algérie a été repris tel quel au Cameroun. Il faut signaler sur le sujet l'excellent documentaire "Autopsie d'une indépendance" (3) dans lequel on peut entendre Mesmer déclarer à propos des bombardements des villages au napalm que "ce n'est pas important". Ce sont des choses qui, ces dernières années, commencent à remonter à la surface.
     
Cela remet donc complètement en question le mythe d'une "décolonisation douce"…

      La " décolonisation en douceur " reste la version officielle si l'on se réfère aux programmes scolaires en histoire au collège ou au lycée. Un des enjeux de l'étude de la décolonisation c'est de montrer qu'il y a eu, d'un côté, une décolonisation violente, celle de l'Algérie et, de l'autre, une décolonisation qualifiée de pacifique, de "douce". Les cas du Cameroun et de Madagascar suffisent à montrer que c'est un mythe complet : le mythe des indépendances en douceur préparées par Deferre et de Gaulle après la conférence de Brazzaville en 46. Dans les faits, tout ce qui a été concédé par la France l'a été contre le gré de la métropole, souvent après des tentatives désespérées de reprise en main violentes. Cela s'est accompagné d'un processus d'élimination des mouvements indépendantistes et de leurs leaders, mais aussi de la promotion d'hommes politiques à la dévotion des intérêts français. Dans l'après-guerre, il y a eu une émergence de mouvements indépendantistes, autonomistes, progressistes, révolutionnaires, un vent d'espoir irrésistible : il y avait des idéologies variées qui mobilisaient les populations, et ces mouvements ont été étouffés, brisés, parfois, comme dans le cas du Cameroun, complètement éradiqués. Il y a donc eu une longue période où les populations africaines ont été orphelines d'un certain nombre de mouvements et de leaders. Ça commence à renaître maintenant avec les mouvements sociaux africains et les contre-sommets où la question de la domination néocoloniale est au centre des préoccupations de la société civile ; qu'il s'agisse de la présence française ou de systèmes plus mondialisés comme la dette et les politiques imposées par le FMI et la Banque Mondiale.


     
Revenons à l'armée française. Dans votre livre vous mentionnez un "détail" qui fait froid dans le dos : les troupes de marine sont toujours surnommées la "Coloniale"…

      Les questions de tradition et d'identité sont des questions extrêmement fortes, en particulier dans les forces spéciales, dans cette composante de l'armée française issue de l'armée coloniale. Les troupes de marine sont extrêmement fières de leur passé colonial, elles en revendiquent l'esprit et les méthodes. Les prises d'armes comme les éditoriaux de leur revue L'Ancre d'or continuent à se clôturer sur ces mots " Et, au nom de Dieu, vive la Coloniale ! "


     
Et j'imagine qu'on retrouve souvent ces troupes de marine dans les opérations françaises menées en terre africaine.

      Elles composent en effet la majeure partie des forces spéciales auxquelles on fait appel lors des opérations sensibles : des opérations "coups de poing", des opérations à forte teneur en renseignement. On les retrouve également dans les opérations européennes (EUFOR). Lors de la première d'entre elles, en République Démocratique du Congo, en 2003, la France s'était flattée d'avoir inculqué un certain nombre de méthodes à des forces militaires européennes, en particulier aux forces spéciales suédoises. Depuis on se demande quelles méthodes puisque parmi ces forces suédoises, certains militaires s'étaient plaints auprès de leur hiérarchie d'avoir eu à subir la vision d'actes de torture pratiqués par des militaires français sur des congolais. Ca a fait beaucoup de bruit en Suède, beaucoup moins en France…
     
Est-ce qu'il y a un contrôle du Parlement français sur les opérations militaires menées en Afrique ?

      Théoriquement, depuis la modification constitutionnelle opérée à l'été 2008, il y a un droit de regard du parlement sur les opérations extérieures, mais un droit extrêmement limité. Les députés ont le droit d'être informé d'une opération extérieure dans les 3 jours après son déclenchement, ils restent donc mis devant le fait accompli. Le parlement ne possède un pouvoir de contrôle que sur les opérations lourdes de plus de 4 mois (qui ne représentent qu'une petite partie des opérations militaires) dont il peut refuser le renouvellement. Il n'y a aucun contrôle par contre sur les opérations secret-défense spéciales et les opérations clandestines de la DGSE.
     
Le Tchad et la République Centrafricaine (RCA) représentent certainement aujourd'hui l'exemple le plus caricatural de l'ingérence militaire française dans certaines régions d'Afrique. Vous consacrez d'ailleurs une place importante dans votre livre à ces deux terrains d'intervention.

      En 2006, en RCA, la France a monté une opération du même type que Kolwezi (sauvetage du régime de Mobutu grâce à l'intervention des parachutistes français) : l'armée française a largué des parachutistes pour reconquérir Birao, dans l'ignorance totale de la population française mais aussi des parlementaires. Cette opération a sauvé le régime du président centrafricain Bozizé. Ce type d'opération reste aujourd'hui tout à fait possible. Plus récemment, lors de la dernière offensive sérieuse des rebelles sur la capitale tchadienne, il y a eu une intervention officielle de l'armée française sous prétexte de sécuriser ses ressortissants. Cette opération a permis de sécuriser l'aéroport d'où ont pu décoller les mercenaires d'Idriss Deby… D'après le journal La Croix, la "sécurisation" de l'aéroport de N'Djamena s'est accompagnée aussi d'une intervention militaire des forces spéciales françaises qui ont pris directement part aux combats contre les rebelles : une opération clandestine qui n'est toujours pas reconnue par les autorités françaises...
     
Dans son dernier rapport sur la Centrafrique, Human Rights Watch est très critique par rapport aux dernières interventions de l'armée française en RCA.

      Dans le rapport qu'elle a publié en 2007, l'ONG a pointé un certain nombre de choses : elle a détaillé la politique de terre brûlée menée par l'armée centrafricaine à l'égard des populations du Nord, des populations accusées de soutenir les mouvements rebelles. Là aussi, on retrouve les techniques coloniales françaises : il s'agit de terroriser les populations afin de priver de leur soutien les mouvements rebelles. Les exactions les plus graves ont été commises dans le sillage direct des interventions militaires françaises. Après la reprise de Birao par l'armée française, cette ville a été ravagée par les forces centrafricaines. A l'époque, dans les journaux, les militaires français ont fait peser la responsabilité des destructions sur les rebelles. On sait depuis qu'il s'agissait d'une tentative de dissimulation qui relève de la complicité de crime de guerre. Il y a également dans le rapport de HRW des photos qui interrogent : on voit des officiers français à proximité directe de l'OCRB (Office Central de Répression du Banditisme), une sorte de milice qui se livre à des exécutions sommaires.


     
Vu la nature de ses interventions en Afrique, la France est-elle vraiment en mesure de commémorer le cinquantenaire des "indépendances" africaines ?

      On sent qu'il y a un gros malaise au niveau de la commémoration de ce cinquantenaire. Ce malaise n'est pas étranger au fait que toutes les interventions orales de Nicolas Sarkozy sur la question de l'Afrique affirment une volonté de rupture avec les pratiques de ses prédécesseurs. Mais en dehors des discours, de rupture on n'en voit pas : c'est toujours le règne des pressions diverses, des émissaires occultes, des accords secrets, des opérations clandestines. On va avoir en guise de célébration des choses assez caricaturales : un défilé du 14 juillet où, sous couvert de rendre hommage aux tirailleurs africains, on va inviter des armées comme celles du Cameroun ou du Congo connues pour leurs exactions envers les populations. La véritable décolonisation et la célébration de cette décolonisation restent à faire...




1. Que fait l'armée française en Afrique ? Editions Agone, oct. 2009.

2. cf. Une guerre noire, enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994), Gabriel Périès et David Servenay, Editions La Découverte, 2007.


3.
Cameroun, Autopsie d'une indépendance, réalisation Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf, durée 52', production : France 5 / Program 33, 2007.

Quelques références :

En Centrafrique, stratégie française et enjeux régionaux
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/02/MUNIE/15569

État d'anarchie (rapport Human Rights Watch sur la RCA)

Rébellions et exactions contre la population civile
http://www.hrw.org/fr/reports/2007/09/13/tat-d-anarchie

Cameroun : retour sur une décolonisation sanglante

http://www.afriscope.fr/spip.php?article182

Où est le "centre" de l'Afrique ?

http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7250

Marchés militaires et économie de la prédation, des pays du lac Tchad et du Soudan occidental au Golfe de Guinée. http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=4394


Cinquante ans de décolonisation africaine

http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=9139

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Selon Coumi Toulabor, le Togo est une «démocrature» Par Christophe Boisbouvier, RFI

26 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Actualités françafricaines, communiqués, archives.

Mardi 27 avril 2010

Anniversaire des indépendances africaines/Entretien 
Selon Coumi Toulabor, le Togo est une «démocrature» Par Christophe Boisbouvier, RFI
 
 
                                                        Coumi Toulabor. DR
 

Coumi Toulabor, historien franco-togolais, ancien rédacteur en chef de la revue Politique Africaine, est directeur de recherche au Centre d'études d'Afrique noire (CEAN), basé à Bordeaux. Intellectuel engagé, il est membre du conseil d'administration de l'organisation non gouvernementale Survie.

Radio France internationale : En temps qu’historien quel bilan faites vous de ce demi siècle d’indépendance au Togo ?
Coumi Toulabor : En fait c’est 30 ans de dictature et 20 ans de recherche d’une démocratisation que les Togolais n’arrivent pas à trouver vraiment, et il y a un terme qu’on utilise souvent c’est «démocrature». Je pense que dans le cadre togolais, le terme convient parfaitement : c'est-à-dire une apparence de démocratie mais le régime fonctionne, en lui-même, comme un régime autoritaire.
Même si Eyadema est décédé depuis février 2005, son fils a pris la succession. D’ailleurs, c’est très très significatif aussi que son fils prenne la succession. Mais son fils, malgré tout ce qu’on dit - à savoir qu’il fait des réformes au niveau de la justice, de l’armée etc...- le commun des mortels ne voit absolument pas les résultats de ces réformes. Sur le plan économique ce n’est pas glorieux non plus. Et là, le Togo se situe vraiment parmi les derniers de la classe, des pays africains.


RFI : Le fait marquant des premières années d’indépendance, c’est en 1963, l’assassinat du président Sylvanus Olympio par un commando où figurait le sergent Eyadema, pourquoi cet assassinat ?
C.T. : Ecoutez, on lui reprochait une dérive déjà dictatoriale parce qu’il aurait mis en prison ses propres alliés…
RFI : Sylvanus Olympio avait bâillonné son opposition, c’est ça ?
C.T. : Il avait bâillonné son opposition. Déjà en 1961, on assistait à une dérive vers un monopartisme et puis bon, il était farouchement anti-français. Pour lui, l’indépendance signifiait donner un contenu vraiment réel à cette indépendance en créant sa propre monnaie et donc tout ceci ne plaisait pas vraiment à l’ancienne puissance coloniale. Si bien que derrière ce coup d’État, cet assassinat, on savait qu’il y avait la main de Jacques Foccart à l’époque, avec qui Olympio avait eu pas mal de conflits..


RFI : L'année 2005, c’est l’année de la mort de Gnassingbé Eyadema, puis l’élection très contestée de son fils Faure Gnassingbé. Suit une répression sanglante, 500 morts selon l’ONU. Est ce qu’il n’y a pas eu tout de même depuis 2005, une ouverture démocratique ?
C.T. : Oui, on peut parler d’une certaine ouverture parce que Faure [Gnassingbé] n’est pas le père, en ce sens que Faure ne maîtrise pas tout le dispositif sécuritaire et policier de son père, si bien que, il était obligé d’ouvrir un peu le système. Mais devant cette apparente ouverture, c’est une sorte de « débroussage » de certains leaders de l’opposition. Le prochain « débroussage»  auquel on assistera,  c’est peut-être celui de Gilchrist Olympio qui s’apprêterait à rentrer au gouvernement de Faure. Mais c’est surtout une ouverture sous la pression des bailleurs de fonds, à savoir la réforme de la justice. Quand on analyse un peu ces réformes-là, ce sont des réformes superficielles qui ne résolvent absolument pas les problèmes fondamentaux que pose le système Eyadema.


RFI : Est-ce que le régime n’a tout de même pas accepté la création d’une commission Vérité justice et réconciliation qui doit faire la lumière sur tous les crimes commis au Togo depuis 1958 ?
 

À voir
25 avril 2005. Togo. Extrait du journal national de France 3.
© France 3

C.T. : En fait, les Togolais demandent des éclaircissements sur les massacres de 2005. Au-delà de cela, ce que moi je pense c’est que cette commission a été mise en place, difficilement d’ailleurs, mais jusqu’à présent.... elle n’a pas commencé à faire son travail. C’est pour satisfaire les injonctions de la communauté internationale que Faure [Gnassingbé] a mis cette commission sur pied, mais faire fonctionner cette commission c’est comme scier l’arbre sur lequel il est assis lui-même et ça c'est politiquement improductif.


RFI : Vous dites que du temps de Gnassingbé Eyadema, le régime était soutenu par la France, les choses n’ont-elles pas évolué, surtout depuis le départ de Jacques Chirac de l’Elysée ?
 

Dossier spécial 50 ans des indépendances africaines
© J-B. Pellerin

C.T. : Oui, tout à fait ! Les choses ont beaucoup évolué à ce niveau parce que Jacques Chirac était vraiment un soutien indécrottable du régime Eyadema. L'arrivée de [Nicolas] Sarkozy donne l’impression que les choses vont évoluer mais malheureusement, on se rend compte que M. Sarkozy fonctionne un peu comme Jacques Chirac. On a du mal à voir où se trouve la rupture d’autant qu'il vient de reconnaître les élections en 2010. On sait que ces élections n’ont pas été vraiment transparentes mais il les reconnaît parce qu'il est dans la continuité.


RFI : De fait, il a reconnu cette élection mais le message n’est pas particulièrement chaleureux puisque Nicolas Sarkozy souligne l’ampleur des efforts qu’il reste à accomplir en faveur de l’enracinement de la démocratie dans toutes ses dimensions. N’est-ce pas, tout de même, le signe que Paris prend ses distances avec Lomé ?
C.T. : Oui, tout à fait, tout à fait.  Mais vous savez ... c’est un langage diplomatique : on peut prendre ça dans tous les sens. Ce qu’on aurait souhaité, c’est que Sarkozy frappe du poing sur la table et dise : Écoutez ça suffit ! Maintenant, la France ne va pas continuer à soutenir un régime autoritaire comme celui de Faure ou même d’autres régimes comme le Tchad, la Centrafique, le Cameroun etc, etc.  C’est cela  qu’on aurait aimé entendre de Sarkozy !
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Coumi Toulabor a écrit de nombreux articles et ouvrages sur le Togo et le Ghana, dont La politique par le bas en Afrique noire : contribution à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, 2008.

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Campus fm: "1994, Le génocide au Rwanda et la France"

15 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Documents audios et vidéos

Lundi 19 avril  11h:

Sur la radio "Campus fm Toulouse" (94Mhz)


 "1994, Le génocide au Rwanda et la France"

 

Le 6 avril 1994 l'avion du président Habyarimana est abattu! Le génocide des Tutsi commence.100 jours! 1 million de morts!


Des documents d'archives (Jean Carbonare à A2, JFX Verschave, Alison Desforges, La Radio des Mille Collines,.....) et des extraits d'interviews de Vincent Munié et Géraud de La Pradelle par Survie pour mettre en évidence la propagande ethniste des gouvernants et l'évidente part de responsabilité de la France.

 

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Radio Françafrique n° 23 : Afrique 2010, 50 ans d'indépendance volée? Campus FM 94FM Toulouse Samedi 17 Avril 2010 13h

8 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Documents audios et vidéos

Samedi  17 Avril, à 13H00,  Campus FM (94FM)


Radio Françafrique n°23

Spécial  Afrique 2010,

50 ans d'indépendance volée?

Drapeaux africains


2010 : Libérons-nous de 50 ans de Françafrique!

Ce mois ci, l'émission françafrique n° 23, l’émission radio de l’association SURVIE sur la Françafrique, cette relation particulière de la France avec ses anciennes colonies, revient sur sur le  cinquantenaire des indépendances africaines et principalement sur la mise en place du système françafricain à l'aube des années 1960... avec Fausto Giudice, Journaliste écrivain, et Boubacar Sagna, historien.

 


Site de  Campus FM

Pour écouter l'émission en ligne: http://www.afriradio.net/auteur51.html 

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Appel Citoyen France-Rwanda : Faire toute la lumière sur les "erreurs"

8 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Actualités françafricaines, communiqués, archives.

Appel Citoyen
France-Rwanda :
Faire toute la lumière sur les "erreurs"
 



Le jeudi 25 février dernier le président Nicolas Sarkozy s’est rendu au Rwanda. C’était la première visite d’un chef de l’Etat français depuis 1994, date du génocide des Tutsis et du massacre des Hutus qui s’y opposèrent.

À l’occasion de cette visite le Président de la République a évoqué de « graves erreurs d’appréciations », des « erreurs politiques » et une certaine « forme d’aveuglement » en parlant de la politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994.

Depuis 1994, ces « erreurs » ont commencé à être décrites et analysées par la Mission d’Information Parlementaire Française de 1998 et précisées par des organisations internationales, des chercheurs, des historiens, des associations de droits de l’homme… Ces travaux font apparaître que les responsabilités françaises vont au-delà de simples erreurs. Il est indispensable de les préciser et d'en comprendre les causes.

Que s’est-il réellement passé ? De quelle nature juridique ces faits doivent-ils être qualifiés ? S'agit-il de fautes ? Y a-t-il eu des crimes ? Comment les autorités politiques et militaires françaises ont-elles pu soutenir, par des conseils militaires, la fourniture d'armes, et l'engagement direct de troupes, un régime qui avait fait du racisme anti-tutsi un point central de son identité et de son action ? Comment ces mêmes autorités, très bien informées par les coopérants militaires restés sur place après le 6 avril 1994 du démarrage du génocide, ont-elles pu appuyer au sein du Conseil de sécurité la diminution des effectifs militaires des Nations Unies et s'opposer à l'utilisation du mot génocide pendant des semaines ? Comment ont-elles pu continuer à organiser la fourniture d'armes au gouvernement génocidaire ?

Il est essentiel d’apporter des réponses claires à ces questions et de préciser la responsabilité de ces autorités, pour les victimes du génocide, et pour nous tous, qui ne voulons pas qu’une telle tragédie se reproduise. Ce travail de compréhension doit nous conduire à revoir le fonctionnement de nos institutions politiques : l’enjeu est de développer le contrôle de la politique étrangère par nos députés ainsi que le droit de regard et d'interpellation des citoyens, en vue d'obtenir une nouvelle orientation de la politique de la France en Afrique fondée sur le respect de la dignité de tout homme.

Au cours de ce printemps où vont se succéder la 16ème commémoration du génocide le 7 avril, puis le sommet réunissant les chefs d'Etats africains et français à Nice du 30 mai au 1er juin, il est essentiel pour notre pays de faire un nouveau pas en avant dans la compréhension du rôle qu’a joué la France au Rwanda à cette époque.

Pour cela :

- Nous demandons à tous les partis politiques de notre pays de prendre une position publique sur la nécessité de faire ce travail historique et de s'engager en faveur d’une recherche de vérité et de justice.

- Nous demandons aux députés et au gouvernement de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faire la lumière sur le rôle joué par la France avant, pendant et après le génocide. Comme première étape nous demandons l'ouverture des archives et la levée du secret défense sur tout ce qui se rapporte à l’action de la France au Rwanda depuis 1975.

- Nous demandons aux autorités politiques et judiciaires de notre pays de tout mettre en oeuvre afin que les procédures judiciaires concernant des présumés auteurs ou complices de génocide soient conduites rapidement.

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Vous pouvez trouver plus d'informations sur l'origine de cette démarche sur :
http://appel-citoyen-france-rwanda.over-blog.org/

Pour signer l'appel en ligne cliquez-ici

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16ème commémoration du Génocide des Tutsi du Rwanda à Toulouse.

6 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Manifestations, commemorations

Mercredi 7 avril 2010 à 17h30

16ème commémoration du Génocide des Tutsi du Rwanda


 Rassemblement Place du Capitole
pour marquer cette date correspondant au début des massacres.

Commémoration 2009

Jeudi 8 avril 2010 à 20h30

Soirée Cinéma autour du Film "Lignes de front"
de Jean Christophe KLOTZ. 
En présence du réalisateur .


Premier film de fiction du documentariste Jean-Christophe Klotz, Lignes de front (qui sort mercredi prochain) revient sur le génocide rwandais du printemps 1994. Faisant écho à son propre reportage Rwanda : la vie en sursis, diffusé sur France 2 en mai 1994, et à son documentaire Kigali, des images contre un massacre (2006), le réalisateur suit les pas d'Antoine Rives (Jalil Lespert), journaliste français qui part au Rwanda pour filmer Clément (Cyril Gueï, vu l'an passé dans L'Autre), étudiant rwandais d'origine hutue, dont la fiancée tutsie a disparu. Pour Antoine, c'est le début d'une traversée de l'horreur...


Basé sur l'expérience traumatisante de Jean-Christophe Klotz, Lignes de front traite de l'impuissance du témoin face au génocide et de l'incapacité des médias à susciter une indignation capable d'entraîner une action politique. Le sujet est ambitieux et le film décrit bien l'atmosphère de chaos et d'abomination qui ont caractérisé ce massacre de masse. Evitant la surenchère, la mise en scène rend habilement compte de la proximité spatiale et temporelle du génocide rwandais.


Pourtant, l'approche cinématographique manque de force et d'acuité. Lignes de front se contente ainsi de dérouler sagement des situations prévisibles, à l'image de l'évolution du personnage d'Antoine, passant au fil du récit de la naïveté la plus absolue à l'indignation la plus farouche.
De même, la responsabilité écrasante de la France dans le génocide est évoquée, mais l'analyse reste parcellaire, le film restant rivé au point de vue d'Antoine.


Au final, Lignes de front a le mérite de revenir sans emphase sur une des pages les plus tragiques de l'Histoire récente, affirmant coûte que coûte sa croyance dans les pouvoirs de l'image.

- Bande-annonce :



Cette soirée est organisée en collaboration entre l'association des jeunes rwandais rescapés, le Mémoral de la Shoah et le cinéma ABC.


Le cinéma ABC est situé au 13 rue St Bernard/31000 TOULOUSE

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Communiqué : 16 ans de refus par l’Etat français de reconnaître le rôle du pouvoir politique et militaire français dans le génocide des Tutsi

6 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Actualités françafricaines, communiqués, archives.

Communiqué de Survie, le 7 avril 2010


16 ans de refus par l’Etat français de reconnaître le rôle du pouvoir politique et militaire français dans le génocide des Tutsi

 

 

16 ans après le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, et un peu plus de 11 ans après la Mission d’information parlementaire de 1998[1], l’essentiel de ce que l’on sait aujourd’hui du soutien que des dirigeants politiques et militaires français de l’époque ont apporté aux génocidaires – avant, pendant, puis après le génocide – l’est grâce au travail de quelques chercheurs, associations et citoyens. L’Etat français, quant à lui, utilise le déni et le secret défense, et espère avec le temps enterrer la vérité et la justice. Comme pour le rôle du régime de Vichy dans la déportation des Juifs, nié pendant 50 ans. Comme pour le rôle de l’Etat français et de hauts gradés dans l’institutionnalisation de la torture en Algérie.


Il est clair aujourd’hui que la France a soutenu politiquement et diplomatiquement les génocidaires, qu’elle leur a fourni armes et entraînement militaire, qu’elle les a laissé se financer, qu’elle les a aidé à échapper la justice (cf. annexe). Aucun présumé génocidaire présent sur le sol français n’a encore été jugé.


16 ans après, il reste de nombreuses zones d’ombre afin de comprendre comment un tel soutien a pu avoir lieu. Aucun homme politique français n’a eu à rendre de comptes. Aucune conséquence n’a été tirée quand au fonctionnement de nos institutions, alors même qu’il a permis au pouvoir de soutenir ceux qui commettaient un génocide. Quand au récent rapprochement entre la France et le Rwanda, il s’apparente à un donnant-donnant indigne : une amnésie voulue et une auto-amnistie réciproque concernant d’une part les crimes commis par le Front patriotique rwandais (FPR au pouvoir) au Rwanda et en République démocratique du Congo (RDC), et d’autre part le rôle de la France pendant le génocide.


Pour rappel, d’un point de vue juridique, «  [u]n accusé est complice de génocide s’il a sciemment et volontairement aidé ou assisté ou provoqué une ou d’autres personnes à commettre le génocide, sachant que cette ou ces personnes commettaient le génocide, même si l’accusé n’avait pas lui-même l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie le groupe national, ethnique, racial ou religieux, visé comme tel »[2].


L’association Survie rappelle qu’une instruction est en cours au Tribunal aux armées de Paris (TAP), suite à une plainte contre X pour des faits qu’auraient commis des militaires français contre des Rwandais : personnes jetées intentionnellement depuis des hélicoptères, viols, maltraitances, génocidaires non désarmés qui continuaient leur œuvre. Or le gouvernement a refusé de lever le secret défense sur une partie des documents dont la déclassification a été demandée par l’instruction. Que contiennent-ils de si compromettant ? En quoi la défense nationale serait-elle en danger du fait du contenu de documents vieux de 16 ans ?


Par ailleurs, de nouveaux éléments viennent d’apparaître, notamment suite au travail du journaliste Jean-François Dupaquier dans la revue XXI ou celui de Serge Farnel, repris dans le Wall Street Journal : selon de nombreux témoignages concordants, des militaires français auraient  été présents mi-mai 1994, soit un mois avant l’opération Turquoise, et auraient aidé à débusquer les Tutsi qui se cachaient.


L’association Survie demande à l’exécutif et aux parlementaires français :

-la levée du secret défense concernant tous les éléments liés à l’action de la France au Rwanda et vis-à-vis des génocidaires, plus généralement,

-l’ouverture au public de l’ensemble des archives,

-la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire.


De nombreux présumés génocidaires continuent de vivre sur le sol français. De nombreuses instructions sont en cours, la première plainte remontant à 1995, sans qu’aucun de ces présumés génocidaires n’ait encore été jugé. Aussi, l’association Survie demande à l’exécutif et aux parlementaires français :


- de permettre aux instances judiciaires de faire avancer le plus rapidement possible le dossier des présumés génocidaires,

- faire en sorte que ce soit l’Etat français qui s’investisse enfin dans la recherche de présumés génocidaires, alors que pour le moment tout ce travail n’est réalisé que par des associations,

- de répondre aux sollicitations de l’ONU pour l’identification des soutiens aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR)[3] et d’empêcher que cette organisation puisse communiquer ou œuvrer depuis la France


Survie demande enfin que le pouvoir politique français tire les leçons de ce qui s'est passé et réalise les changements qui s'imposent dans le fonctionnement de nos institutions. Le rapport des députés (qui date de 1998) et leurs principales recommandations ne sont toujours pas mises en application, notamment la plus importante : l’instauration d’un véritable contrôle parlementaire sur la politique étrangère de la France, tout particulièrement sur le plan militaire. Le refuser reviendrait pour le président de la République, le gouvernement et les députés à considérer que les « graves erreurs d’appréciations » et les « erreurs politiques » commises – pour n'en rester qu'à ce qui a été reconnu officiellement par Nicolas Sarkozy à Kigali en février dernier – n'ont finalement pas d'importance... Il y a un devoir de changer le fonctionnement des institutions.

 

Lire aussi l’article de Survie paru dans Politis le 11 février 2010

Signer l’Appel Citoyen France-Rwanda : Faire toute la lumière sur les "erreurs"



[1] Cette Mission avait commencé à soulever le voile sur le rôle de la France pendant le génocide mais n’a pas pu faire le travail qu’aurait pu réaliser une Commission d’enquête parlementaire qui dispose de plus de pouvoir d’investigation.

[2] Définition du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui s’applique en droit français en vertu de la loi d’adaptation de mai 1996 qui donne compétence aux tribunaux français pour appliquer les statuts du TPIR.

[3] Forces extrémistes hutu regroupant de nombreux génocidaires et présentes dans l’est de la RDC.

-- 
Stéphanie Dubois de Prisque
Chargée de communication
stephanie.duboisdeprisque@survie.org

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Cinquantenaire des indépendances africaines L’empire contre-attaque (revue de presse)

3 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Actualités françafricaines, communiqués, archives.

Vendredi 2 Avril 2010, revue de presse:

 

Cinquantenaire des indépendances africaines

L’empire contre-attaque

(Nouvel observateur)

 

Le 1er avril a marqué le début des commémorations du "cinquantenaire des indépendances africaines", organisé par Jacques Toubon à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Problème : aucun Africain n'était présent à la tribune. Le récit de Christophe Boltanski.

Jacques Toubon et Nicolas Sarkozy (AFP)
Jacques Toubon et Nicolas Sarkozy (AFP)

Cherchez l’erreur. "Cinquantenaire des indépendances africaines", proclame le logo. Sur l’écran, s’étale une carte du continent noir constellée de petits points jaunes : une étoile pour chacune des quatorze anciennes colonies de la France. Assis aux côtés d’un collaborateur, d’un conseiller de l’Elysée et d’un diplomate du quai d’Orsay, l’ex-garde des Sceaux, Jacques Toubon, vient annoncer solennellement, en ce 1er avril, le début des "commémorations" marquant la fin de l’"empire" français au sud du Sahara. A son invitation, quelques ambassadeurs des pays concernés sont bien présents dans la salle. Mais à la tribune, point d’Africains. Aucune figure de la société civile ou de représentants officiels. Pourquoi faire ? "Je parle moi, en tant que secrétaire général du Cinquantenaire du point de vue qui est celui de notre gouvernement", se défend Jacques Toubon. Une absence qui traduit toute l’ambiguïté de cette initiative voulue par le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, mais diversement appréciée par les parties intéressés. "S’agit-il d’une réconciliation entre l’ancienne puissance coloniale et ses ex-pays colonisés ou l’occasion de célébrer l’empire colonial perdu ?", finira par demander un journaliste africain.


Sur le même sujet

 

Des oubliés ?

 
Pendant les deux heures de sa conférence tenue, au centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE), à Paris, Jacques Toubon parle longuement de "l’hommage aux soldats qui combattaient dans les rangs de la France (…) appelés abusivement 'tirailleurs sénégalais'", de Savorgnan de Brazza et de son "exploration du (fleuve) Congo" qualifié d"événement considérable dans l’Histoire de l’humanité", du "manifeste de la France libre" proclamé à Brazzaville ou encore de la remontée triomphale de la "colonne Leclerc". Tous ça fleure bon l’exposition coloniale. Des Africains, ceux qui ne servaient pas "l’Empire", ceux qui peuplaient les rives du Congo, avant l’arrivée des "explorateurs", ceux qui n’ont jamais entendu parler de Savorgnan de Brazza et encore moins du "général Leclerc", il n’en est guère question.


Un lapsus embarrassant

 
Aux journalistes qui l’interrogent sur la "Françafrique", le "bilan mitigé" des accessions à l’indépendance ou les "griefs" des ex-colonisés envers la métropole, Jacques Toubon s’abrite derrière les travaux à venir des historiens. "C’est justement l’objectif de ce cinquantenaire, dit-il, qu’on n’ignore plus l’Afrique et son histoire". Et puis, il y a ce formidable lapsus. Evoquant la coopération militaire entre la France et ses anciennes possessions, Jacques Toubon cite les nombreux "accords de défiance, euh, de défense qui viennent déjà d’être profondément modifiés". Encore, sans doute, un passé qui passe mal.

Christophe Boltanski
Source:http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20100401.OBS1763/l-empire-contre-attaque.html 


France-Afrique: Drôle de fête (JDD)
Jacques Toubon Afrique
En charge de la Cité de l'Immigration, Jacques Toubon s'est vu confier une autre lourde tâche, piloter la célébration du cinquantenaire des indépendances africaines. (Maxppp)

Lors d’une conférence de presse à Paris jeudi, Jacques Toubon, intronisé par Nicolas Sarkozy "secrétaire général du cinquantenaire des indépendances africaines", a lancé les festivités, qui auront comme point d’orgue la tenue d’un sommet France-Afrique fin mai à Nice. Objectif, selon l’ancien Garde des Sceaux, "assumer, expliciter et rénover la relation" entre la France et l’Afrique. Mais dans salle, les interrogations sur la signification de ces célébrations dans l’Hexagone fusent. Et les réponses, elles, sont plutôt évasives.

Il aura donc fallu attendre le 1er avril pour voir officiellement annoncées les célébrations du cinquantenaire des indépendances africaines en France. Un communiqué publié fin juin 2009 par l’Elysée informait pourtant du lancement d’une initiative "2010-Année de l’Afrique". Mais au fil des mois - et des complications diplomatico-budgétaires - cette année de l’Afrique en France s’est peu à peu transformée en simple célébration du cinquantenaire des indépendances de 14 pays subsahariens*. Soit.

Nommé par Nicolas Sarkozy "secrétaire général du cinquantenaire des indépendances africaines", Jacques Toubon a donc lancé le coup d’envoi des festivités jeudi matin, lors d’une conférence de presse organisée au Cape (Centre d’accueil de la presse étrangère), à Paris. Et pour commencer, l’ancien garde des Sceaux, que l’on disait en mal de budget dans son tout nouveau secrétariat, a tenu à donner des chiffres: 250 projets sont en gestation pour une enveloppe globale de 16,3 millions d’euros, gérée par les différentes administrations qui participent aux événements (Ministère des Affaires étrangères, Agence française pour le développement, Cultures France, etc). "On ne va pas demander de l’argent aux pays africains, c’est le contraire", a-t-il tenu à préciser, évoquant, le soutien de Paris "à un certain nombre d’initiatives" en Afrique, par le biais de la coopération française.

Un défilé problématique


Point d’orgue des festivités, l’organisation d’un sommet France-Afrique - avec seulement 14 pays africains, donc - fin mai à Nice. Le 14-Juillet sera par ailleurs l’occasion de voir défiler sur les Champs-Elysées des contingents issus des anciennes colonies françaises. "Y compris les armées qui ont commis des massacres? ", s’interroge une journaliste allemande dans la salle. Jacques Toubon feint l’ignorance: "Quelles sont les armées qui ont massacré et qui massacrent? " La Guinée Conakry, par exemple, où des militaires sont accusés d’avoir tué plus de 150 civils et violé des dizaines de femmes en septembre dernier. Mais quelques minutes plus tard, à la faveur d’une question sur le nombre de chefs d’Etat africains qu’il a rencontrés jusqu’à présent, le secrétaire général rappelle que la Guinée a obtenu son indépendance en 1958 et qu’elle ne figure donc pas sur la liste des invités de ce cinquantenaire. Cinquante ans plus tard, la date est salutaire: Paris évite ainsi un malaise certain.
Quant à la Côte d’Ivoire - alors que le bombardement par l’armée ivoirienne de la base française de Bouaké en 2004 est un souvenir douloureux dans les rangs français - l’état actuel de ses relations avec Paris, sur fond d’incessant report électoral, fait que le problème ne se posera sûrement pas. "La Côte d’Ivoire entend célébrer le cinquantenaire seule, dans le cadre de sa politique nationale de refondation. Nous en prenons acte", a d’ailleurs rappelé Jacques Toubon, précisant toutefois qu’une invitation avait bien été envoyée au président Laurent Gbagbo et à ses troupes.
Reste donc l’éventualité de voir une armée putschiste défiler sur les Champs-Elysées: celle du Niger, où une junte a renversé Mamadou Tandja en février dernier. Un coup d’Etat toutefois relativement peu condamné, les récentes exigences du président déchu sur l'exploitation des mines d'uranium et sa dérive autoritaire étant devenues relativement gênantes. Pour faire bonne figure, on espère désormais côté français que les élections libres et transparentes promises par la junte seront organisées avant le fameux défilé. Jacques Toubon, lui, ne semble pas rentrer dans ce genre de considération. Pour lui, il ne faut voir dans ce défilé que "l’hommage des soldats d’aujourd’hui aux soldats d’hier [et] la reconnaissance de la France aux centaines de milliers de soldats qui, durant la première et la seconde guerre mondiale, ont tenu haut le flambeau de la liberté au sacrifice de leur vie".

"Les accords de défiance"

Ce défilé sera précédé la veille d’un "sommet familial " - en matière de relation franco-africaine, le paternalisme n’est jamais loin - qui réunira Nicolas Sarkozy et les quatorze chefs d’Etats concernés. A cette occasion, le chef de l’Etat devrait réaffirmer "la nouvelle approche française" dans ses relations avec l’Afrique, discours qu’il a déjà tenu lors de son voyage au Gabon fin février. Et c’est, selon Jacques Toubon, l’objectif même de ce cinquantenaire. Là où certains s’interrogent sur l’ironie de l’histoire qui conduit la France à célébrer la fin de son propre joug colonial, l’ancien ministre de la Culture et de la Francophonie y voit l’occasion, au contraire, d’"assumer, expliciter et rénover la relation" entre la France et l’Afrique, et ce, dans "la ligne du discours du Cap", prononcé par le président de la République en février 2008. Déplorant "une certaine ignorance en France et en Afrique de l’histoire de l’Afrique" et jugeant que "cela n’aide pas à clarifier les relations entre nos pays", le secrétaire général espère donc que les célébrations de ce cinquantenaire conduiront à "apporter plus de connaissance" des deux côtés de la Méditerranée.

D’où la volonté de la France de mettre l’accent à cette occasion sur "la formation des jeunes, le développement rural et de l’agriculture vivrière, l’accueil des immigrés, les relations diplomatiques et militaires dont les accords de défiance (sic) viennent d’être profondément modifiés". Dans la salle, le lapsus de Jacques Toubon fait sourire. Mais les interrogations sur la signification des célébrations de ce cinquantenaire en France demeurent. "S’agit-il d’une réconciliation entre l’ancienne puissance coloniale et les anciens pays colonisés ou bien l’occasion de célébrer l’empire colonial perdu? ", s’interroge un journaliste africain. "S’agit-il pour la France de mettre un voile sur le passé colonial ou de faire son mea culpa? ", renchérit un autre. Le malaise est perceptible.

A ceux-là, Jacques Toubon répond invariablement qu’il s’agit simplement de rappeler une "histoire commune". "De cet héritage, il faut faire un capital pour l’avenir", ajoute-t-il, estimant qu’il n’est pas du ressort de son secrétariat de faire le bilan de cinquante ans d’indépendance. Le président de la Cité de l’immigration –un autre sujet tabou- renvoie d’ailleurs la balle aux historiens: "Je souhaite que les questions qui n’ont jusqu’ici pas été ouvertes par les historiens soient à l’ordre du jour de ces manifestations (…) afin qu’à la fin de l’année nous puissions répondre à cette question du bilan." Et d’insister: ce cinquantenaire doit être "un moment de mémoire et de renouvellement". Une aporie qui résume la difficulté d’être de la relation franco-africaine.

* Togo, Burkina Faso, Madagascar, Congo Brazzaville, Bénin, Cameroun, Niger, Côte d’Ivoire, Tchad, République centrafricaine, Gabon, Sénégal, Mali et Mauritanie


Marianne Enault - leJDD.fr
Vendredi 02 Avril 2010
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2010:Libérons-nous de 50 ans de Françafrique! ouverture site internet...

2 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Actualités françafricaines, communiqués, archives.

18 Mars 2010

Dans le cadre de la campagne 2010:Libérons-nous de 50 ans de Françafrique! Survie lance son site:

 


Cette campagne a pour objectifs de rétablir certaines vérités sur les 50 ans d’« indépendance » et de relations franco-africaines, de dénoncer la perpétuation de la Françafrique, et de demander une réforme de la politique de la France en Afrique.Cette année 2010 est celle de la commémoration du cinquantenaire des indépendances pour les 14 pays africains issus de l’empire colonial français. Mais 50 ans après la proclamation de ces indépendances en droit, force est de constater que ces pays restent étroitement soumis à une dépendance de fait à l’égard de la France.

Vous trouverez sur le site des fiches pays et personnages françafricains, une revue de presse franco-africaine sur les 50 ans d'indépendances africaines et un agenda des activités de Survie en lien avec ce sujet.

Des thématiques sont abordées en détail, en voici les 7 premières:
Le site sera régulièrement alimenté tout au long de la campagne, également en réaction à la campagne officielle.

Pour plus d'informations: stephanie.duboisdeprisque@survie.org 01 44 61 03 25
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Elikia M’ Bokolo, historien, écrivain et journaliste congolais : « Si les Voltaïques ne s’étaient pas battus, il n’y aurait pas de Burkina Faso aujourd’hui »

1 Avril 2010 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Actualités françafricaines, communiqués, archives.

Interview réalisée par Mahamadi TIEGNA (camerlingue78@yahoo.fr), Sidwaya, 23/3/2010


Elikia M’ Bokolo, historien, écrivain et journaliste congolais : « Si les Voltaïques ne s’étaient pas battus, il n’y aurait pas de Burkina Faso aujourd’hui »


Il est connu pour être un justicier en ce qui concerne la mémoire du continent africain. Issue d’une famille indépendantiste, son parcours professionnel se confond avec celle d’une Afrique en proie à la lutte pour son émancipation, lui qui est devenu historien après avoir assisté à un discours de son compatriote Patrice Lumumba. Actuellement professeur à l’institut des sciences et techniques humaines à Paris, pour ne citer qu’une de ses multiples casquettes, Elikia M’Bokolo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire coloniale du continent. Présent à Bobo-Dioulasso dans le cadre du lancement du cinquantenaire du Burkina Faso, il aborde dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, quelques aspects des indépendances.
Sidwaya (S.) : Quels souvenirs l’historien spécialiste de l’Afrique que vous êtes, garde des années d’indépendance ?
Pr. Elikia M’Bokolo (P.E.B.) : A l’époque, j’avais 15 ans, j’étais en classe de 5e et je me rappelle précisément de ce qui s’est passé. Nous avions des positions anticolonialistes et donc, étions pour l’indépendance.
Je me souviens qu’il y avait un jeu radiophonique où on posait des questions sur la nationalité des habitants des pays africains nouvellement indépendants. Lorsqu’on a demandé à quelqu’un comment est-ce qu’on appelait les habitants de Madagascar, il n’avait pas la réponse. Nous étions contents de la savoir et de lui souffler à l’oreille : « Malgaches … Malgaches ».
En tant qu’étudiants, nous nous réjouissions de devenir après nos études, des magistrats, des médecins dans nos pays respectifs. Mais quelque chose s’est passé et dont on ne parle pas assez : juste avant les indépendances, la France, puissance coloniale, a signé des accords de coopération avec les Etats. Ces accords ont été faits au détriment des pays nouvellement indépendants car ils ont été signés entre un Etat souverain la France et des Etats africains qui ne l’étaient pas encore.
Au départ du colon, une élite parasitaire s’est constituée pour perpétuer en réalité, les intérêts de l’ancienne puissance coloniale. Au Congo- Brazzaville par exemple, où le pétrole coulait à flot, j’ai vu des gens envoyer leurs vêtements par avion à Paris au pressing. S. : Est-ce que cette situation suffisait à expliquer les problèmes que bon nombre de pays africains ont connus par la suite ?
P.E.B. : On avait créé entre 1960 et 1963, des blocs d’Etats. Il y avait un climat tout à fait exceptionnel. Pour les deux Congo par exemple, on traversait le fleuve d’un côté à l’autre sans visa. Aujourd’hui, il faut un visa. Quand je vois comment des amis sénégalais, dahoméens ou voltaïques ont vécu en Côte d’Ivoire dans les années 60 et 63, on sentait que c’était possible.
En ce moment-là, les plus avancés, c’est-à-dire Kwamé N’Krumah mais aussi Senghor, ont proposé d’aller un peu plus avant vers l’unité en se disant qu’ensemble, on est encore plus fort que chacun de son côté. Vous savez que ça n’a pas marché parce qu’en 1963, c’est le camp de Félix Houphouët-Boigny, des Gabonais, des Congo brazzavillois qui l’ont emporté. Dès ce moment-là, nous avons commencé à accumuler des échecs.
Il y a une chose dont on ne parle pas assez, mais qui est quand même significatif : un sommet extraordinaire de l’OUA a eu lieu en 1965 à Accra. Au cours de ce sommet, Kwamé N’Krumah et plusieurs chefs d’Etat africains ont protesté contre le fait que les Blancs de Rhodésie, aujourd’hui Zimbabwe, ont décidé de proclamer l’indépendance de la Rhodésie.
N’Krumah a dit que l’Angleterre qui était la puissance colonisatrice devrait régler ce problème, et que si dans 90 jours, le problème n’était pas réglé, les Etats africains allaient constituer une armée pour envahir la Rhodésie. Si nous avions fait cela, l’Afrique du Sud aurait été débarrassée de l’apartheid en ce moment-là. Mais à Accra, les Etats membres de l’OCAM (NDLR : Organisation commune africaine et malgache), donc les Etats francophones, ont boycotté le sommet. Du coup, les Etats dits progressistes se sont retrouvés seuls.
Ils étaient trois : le Ghana, la Tanzanie et la Zambie. L’armée africaine n’existait pas par conséquent. Dès lors, lorsque la guerre du Biafra nous est tombée dessus, nous n’étions pas capables de répondre. Idem pour les guerres du Congo, le génocide du Rwanda et les guerres actuelles. Ça c’est une faute commise par les Africains. Une autre faute l’a été, sur le plan de l’intégration africaine et elle nous poursuit jusqu’aujourd’hui.
A ce sujet, Kwamé N’krumah expliquait aux Africains ce qui n’allait pas. Lui-même avait une discipline personnelle très stricte. Une fois par semaine, il s’astreignait à faire un jeûne. Il disait ceci et je suis désolé de le dire aussi brutalement : « Vous autres dirigeants africains, vous mangez trop, vous buvez trop, vous dormez trop, vous avez trop souvent des relations avec de trop nombreuses femmes ». Il disait que ça ne va pas. Je crois qu’il a raison.
Si vous regardez à cette époque mise en scène par les cinéastes et les romanciers, les hommes d’Etat ne travaillaient pas : ils étaient tout le temps dans les avions, dans les cocktails…Mais je crois que c’est une chose qui commence à changer avec la génération actuelle composée de gens qui bossent. Nous avons des responsabilités politiques et psychologiques par rapport à la gestion des indépendances.
S. : On évoque aussi l’implication de la France dans la commémoration des indépendances africaines. Si implication il y a, quelle lecture en faites-vous ?
P.E.B. : Il y a bien une implication de la France et j’avoue que pour certains d’entre nous historiens, ça pose un problème. On ne sait pas exactement ce que la France veut. Parce ce qu’il y a 5 ans, c’était la droite qui était au pouvoir à l’Elysée, à Matignon et à l’Assemblée nationale en France.
Les députés de droite avaient voté une loi disant que la colonisation a été une chose positive et que dans les écoles, on doit enseigner ses effets positifs. Nous autres historiens noirs comme blancs, avions vigoureusement protesté contre cette affaire en disant que ce n’est pas une vérité établie et que ce qui compte, ce n’est pas l’opinion que les Français ont de la colonisation, mais ce que les Africains de l’époque ont pensé de la colonisation… Ils ont refusé la colonisation, et demandé l’indépendance. Du coup la question, c’est : Qu’est-ce que la France veut fêter aujourd’hui ? Est-ce qu’ils veulent fêter l’indépendance ? L’indépendance, c’est nous qui l’avons obtenue.
Ce n’est pas la France qui nous l’a donnée. Ce qui est encore plus curieux, c’est qu’ils veulent fêter l’indépendance à Paris, alors qu’on pourrait imaginer que des délégués français viennent célébrer l’indépendance en Afrique. Par exemple nous au Congo, avons obtenu que le roi des Belges vienne à Kinshasa.
Mais que des contingents militaires africains, des députés, des ministres aillent à Paris, ça fait quand même un peu bizarre ! C’est un peu comme en 1919, 1920 ou 1947, quand on invitait les tirailleurs sénégalais à Paris pour célébrer ! Donc je suis un peu perplexe. En plus, le 14- Juillet 2010 va tomber avant la commémoration des indépendances. D’une certaine manière, la France nous vole le bénéfice du cinquantenaire, car on va la fêter d’abord à Paris et ensuite, dans nos pays.
C’est quand même un petit problème qui est délicat. J’imagine que le moment venu, nous aurons les discours qui vont nous expliquer ce qui se passe. Beaucoup d’historiens français comme africains sont surpris par la manière dont les choses sont en train de se passer, d’autant plus que le président de la République qui va célébrer cette manifestation du 14 Juillet est le même qui a dit à Dakar que l’homme noir n’était pas dans l’histoire. Il y a une contradiction du côté de la France et je pense nous Africains n’avons pas exigé des clarifications avant d’accepter.
S . : Avez-vous un point de vue personnel sur ce sujet ?
P.E.B. : Mon point de vue personnel est que je n’irai pas à Paris pour la célébration de nos indépendances. D’ailleurs, je serai à Kinshasa et les choses seront claires.
S. : Le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays du continent, s’apprête à célébrer en grande pompe, son cinquantenaire. D’aucuns disent qu’on devrait plutôt faire profil bas au regard du bilan des 50 ans passés. Qu’en dites-vous ?
P.E.B. : Je suis d’accord avec le gouvernement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis honoré d’être là sur invitation du ministre de la Culture. On ne va pas fêter le bilan des indépendances. On va fêter ce qui s’est passé il y a 50 ans. Vous voyez que dans le programme qui a été adopté, c’est « cinquante ans : souvenir et espérance ». Nous allons fêter en nous souvenant, mais nous devons aussi construire l’espérance. Pour cela, ce qui va commencer demain (NDLR : 20 mars, date de lancement officiel des activités du cinquantenaire) va se poursuivre.
On sait qu’il y aura des analyses, secteur par secteur, de ce qui a marché, de ce qui ne l’a pas été, pourquoi ça n’a pas marché et qu’est-ce qu’on doit faire pour que les choses aillent de l’avant, d’une manière positive. Il faut bien voir que nos Etats sont très hétérogènes. Il y a des traditions, des historicités différentes, même si nous avons aussi des points en commun.
En Afrique de l’Ouest, vous avez la chance d’avoir la parenté à plaisanterie qui permet d’atténuer les conflits et les litiges sociaux. Nous devons célébrer les victoires que nous avons gagnées ensemble. Or au Burkina, c’est ensemble que le peuple a gagné l’indépendance. Que tous les ans, on fasse une petite fête, d’accord ! Mais 50 ans, c’est normal qu’on fasse quelque chose d’un peu plus important.
S : Quelle est votre appréciation, justement, du thème du cinquantenaire de l’indépendance du Burkina Faso : « 50 ans de construction d’une nation : souvenir et espérance » ?
P.E.B. : Le souvenir est très important. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes burkinabè ne connaissent pas leur histoire. Ils ne savent pas notamment que si les Voltaïques de l’époque ne s’étaient pas battus, il n’y aurait pas de Burkina Faso aujourd’hui. Les colonisateurs n’étaient pas des sentimentaux. A cette époque, les Noirs, ça comptait pour zéro.
Ce qui intéressait les Blancs, c’était la matière première et la force physique. Et comme au Burkina on disait que le peuple voltaïque, le peuple mossi est très fécond, ingénieux, industrieux, travailleur, et comme la Côte d’Ivoire, le Niger et le Soudan avaient besoin de main-d’œuvre, ils ont décidé purement et simplement de rayer la Haute-Volta de la carte. Le souvenir de l’indépendance, c’est le souvenir de ce qu’on a failli ne pas exister aujourd’hui.
S : Et que dire de l’autre aspect du thème, c’est-à-dire l’espérance ?

P.E.B. : L’espérance est une vertu comme on dit dans les religions révélées. Les vertus sont telles que quand vous en avez une, vous avez toutes les autres. Si vous avez l’espérance, ça veut dire que vous avez la foi, le courage, la volonté, l’honnêteté, l’intelligence. Donc espérer, ce n’est pas seulement être assis en rêvant d’un lendemain meilleur.
C’est de se demander ce que nous devons faire aujourd’hui pour que dans cinquante ans, nos enfants, nos petits enfants, en regardant derrière disent qu’ils ont bien avancé. Il y a là une sorte de volontarisme qui me semble très positif. Je crois que c’est important que ce soit dit dans le logo du cinquantenaire.
S : Au regard du bilan des cinquante ans passés, y a-t-il des raisons d’espérer ?
P.E.B. : Oui ! J’étais jeune étudiant dans les années 60. Je peux vous dire qu’il y avait plusieurs pays africains qui désespéraient, parce que les choses allaient mal. La Haute-Volta et le Dahomey sont deux de ces pays. On avait l’impression par exemple qu’en Haute-Volta, il y avait tout le temps des coups d’Etat. Quel untel ne s’entendait pas avec untel.
Qu’est-ce qui se passe ! L’une des choses qu’on a gagné, c’est l’unité de la nation qui est là. On aurait pu envisager qu’une partie du territoire proclame son autonomie, que l’autre aussi en fasse de même, et que ça éclate. En plus, le peuple n’arrête pas aujourd’hui de se battre pour vivre, parce qu’on ne veut pas être assis et attendre que les choses se passent.
C’est un peuple travailleur qu’on voit au Burkina et c’est reconnu par tous. Nous avons vu sur la route des femmes, des mères de famille pousser des bicyclettes avec des charges de bois énormes. C’est un peuple qui s’investit au quotidien économiquement mais aussi politiquement, en cherchant à arriver à un régime qui le satisfasse : une démocratie avec transparence des pouvoirs, responsabilité des gouvernants, élections libres.
Il y a une autre chose que les Burkinabè ne mesurent peut-être pas assez : la stabilité. Lorsque la guerre a commencé en Côte d’Ivoire, certains Ivoiriens ont applaudi au début. On leur a dit attention, on sait comment on met le doigt dans l’engrenage de la guerre civile, mais on ne sait pas comment on en sort. Si vous mettez la main dedans, vous en avez au moins pour dix ans : nous sommes dans les dix ans.
Or, le Burkina, cahin-caha, a préservé sa paix et de nos jours, si vous regardez sur la scène africaine, il y a un certain nombre de pays qui sont recherchés parce qu’ils ont la paix à l’intérieur et ont fini par savoir comment aider les autres à organiser la paix chez eux.
Il y avait le Gabon qui est devenu un grand pays de la médiation en Afrique centrale. En Afrique de l’Ouest, il y a le Burkina Faso. Et c’est très étonnant de voir que le rôle de médiateur du Burkina est plus important que celui du Sénégal, du Ghana ou même du Nigeria. Un pays qui a préservé son unité, dont les citoyens se battent au quotidien pour l’économie et qui a une visibilité internationale … ce n’est pas peu, mais beaucoup en 50 ans dans lesquels il y a évidemment des drames aussi.
S. : Vous avez eu à développer le thème de la création, de la dissolution et de la reconstitution du Burkina Faso au cours du premier panel. Que faut-il en retenir de plus important ?
P.E.B. : Il y a deux aspects. Le premier est une réponse au fameux discours de Dakar, un rappel de comment le colonisateur jonglait avec l’Afrique comme on joue au loto ou aux cartes, alors qu’il s’agissait de peuples entiers. Le deuxième point développé est relatif à un peuple voltaïque qui a su combattre les prélèvements forcés de la main- d’œuvre, des impôts. C’est cela qui a obligé le colonisateur à rétablir la Haute-Volta dans ses frontières et à faire en sorte que le Burkina Faso soit vivant aujourd’hui.
S. : Vous inscrivez-vous dans la logique des clivages entre afro-pessimistes et afro-optimistes au sujet du développement du continent ?
P.E.B. : Ces clivages ne sont pas très intelligents. L’afro-pessimisme par rapport à l’histoire d’un peuple n’a pas de sens. L’Afrique, c’était 500 millions d’habitants. Aujourd’hui, nous sommes plus d’un milliard.
Pensez-vous que si les Africains ne croyaient pas en leur avenir, ils auraient fait des enfants ? Si nous continuons à nous reproduire c’est que nous avons foi en l’avenir. La deuxième chose, c’est qu’en tant qu’historien, je dirais que l’histoire ce n’est pas seulement le passé. Le présent aussi, c’est de l’histoire. Dire également que je suis optimiste n’a pas de sens car un historien est optimiste par définition.
L’histoire, ce sont les peuples qui la produisent et l’histoire ne s’arrête jamais. L’Afrique de 2010 est en train de construire celle de 2011 qui construira celle de 2012… L’afro pessimisme, je pourrais le concevoir pour des intellectuels fatigués de l’Europe, l’Occidentant. J’ai du mal à le comprendre pour les intellectuels africains.
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