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Survie Midi Pyrénées

Areva en Afrique, Une face cachée du nucléaire français

13 Février 2012 , Rédigé par survie.midipyrenees@free.fr Publié dans #Ouvrages, dossiers, essais et romans...

A paraître le 16  février 2012

 

Areva en Afrique,

Une face cachée du nucléaire français

Contrecarrant « le mythe de l’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire », puisque l’uranium alimentant le nucléaire civil et militaire provient depuis longtemps et pour une large part du sous-sol africain, Raphaël Granvaud détaille les conditions dans lesquelles la France et Areva se procurent un uranium au meilleur coût, au prix d’ingérences politiques et de conséquences environnementales, sanitaires et sociales catastrophiques pour les populations locales.

Dans un contexte international d’intensification de la concurrence sur le continent africain, mondialisation capitaliste oblige, Areva obtient un tiers de son uranium au Niger, qui reste pourtant en dernière position du classement des pays selon leur indice de développement humain.

L’entreprise a toujours pu compter sur l’aide active des représentants officiels de l’État français, mais aussi sur l’appui des réseaux les moins ragoûtants de la Françafrique pour sauvegarder son droit de pillage, en échange de leur soutien politique et militaire aux régimes autoritaires amis. L’auteur dévoile enfin les efforts considérables d’Areva pour que les différents éléments de cette réalité et de sa stratégie de dissémination nucléaire ne viennent pas ternir une image de marque qu’elle voudrait immaculée, alors que « l’Afrique sera dans les années à venir le coeur de [son] activité ».


Membre de l’association Survie, Raphaël Granvaud est l’auteur de Que fait l’armée française en Afrique ? (Agone, 2010).

 


 

Télécharger le document de présentation du livre par Survie , le réseau Sortir du nucléaire et le collectif « Areva ne fera pas sa loi au Niger ».

 

Comme l’explique à l’envi Areva, son succès tient à sa capacité de proposer un modèle « intégré » sur toutes les activités du cycle du combustible et la construction de centrales nucléaires, autrement dit de pouvoir fournir à ses clients aussi bien les centrales que le carburant nécessaire et le traitement des déchets. Or le premier maillon de cette chaîne est bien évidemment le carburant : « Nous ne pouvons pas vendre de centrales si nous n’avons pas de minerai », explique Anne Lauvergeon. La valeur commerciale du minerai seul ne reflète donc pas forcément sa valeur réelle…
Quelques autres indicateurs permettent de mesurer mieux ce qu’Areva et la France doivent au Niger. En France, pays le plus nucléarisé du monde en proportion de sa population, 80% de l’électricité est d’origine nucléaire. Même si EDF a diversifié ses sources d’approvisionnement, Areva n’étant plus son fournisseur exclusif, un tiers de l’uranium nécessaire aux 58 centrales françaises provient encore du Niger. Areva est devenu en 2009 le premier producteur mondial d’uranium, avec 8600 tonnes sur une production mondiale de 50 000 tonnes, devant ses concurrents Camco et Rio Tinto (8000 tonnes chacun). Sur ces 8600 tonnes, 3000 provenaient du Kazakhstan (devenu premier producteur mondial avec 14 000 tonnes) ; 3000 du Canada et 2300 tonnes du Niger (sur une production de 3200 tonnes), soit environ 30 % de la production totale d’Areva.

***

C’est en République Démocratique du Congo qu’Areva a peut-être touché le gros lot. En France comme en RDC, c’est au plus haut niveau de l’État que l’accord a été négocié. Selon Jeune Afrique, « c’est le président congolais en personne qui a donné son feu vert au groupe français lors de son séjour à Paris, à la mi-2008 », et, à nouveau, c’est à l’occasion d’un voyage officiel du président Sarkozy en Afrique que l’accord sera officialisé. Là aussi Areva a bénéficié des bons offices des « facilitateurs » qui avaient officié au sujet de l’uranium centrafricain, Balkany et Forrest, mais également des émissaires plus officiels comme Bruno Joubert, le monsieur Afrique de la cellule diplomatique de l’Elysée. Avant de se rendre au Congo-Brazzaville pour y saluer son ami dictateur Denis Sassou Nguesso, puis au Niger, Nicolas Sarkozy débarque donc à Kinshasa le 26 mars 2009 pour une brève escale de cinq heures. Le président français amène, comme à l’accoutumée, les patrons français dans ses bagages. Le contrat qui retiendra l’attention est l’accord de coopération signé entre Anne Lauvergeon et le ministre des Mines Martin Kabwelulu Labilo. Celui-ci prévoit en effet un partenariat avec la société nationale minière congolaise (la Gécamines), ouvrant la porte à « l’exploration uranifère sur l’ensemble du territoire congolais ». Areva en salive déjà : « Notre accord va faire des jaloux », se réjouit Anne Lauvergeon. Zéphirin Diabré, son conseiller pour l’Afrique, n’est pas moins enthousiaste : « Je crois bien que nous sommes l’unique entreprise dans le monde à avoir ce type de mandat ». Non seulement Areva brise un monopole d’État, mais « depuis la fin de l’époque coloniale aucun groupe occidental n’avait obtenu le permis d’explorer seul la totalité de la superficie d’un pays africain », confirme Jeune Afrique.

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« Pourquoi laisser à d’autres le soin d’informer ? « Le groupe s’attache à fournir une information fiable et pertinente » affirme AREVA qui se flatte d’« assurer une communication constante » à destination des populations. Elle en veut par exemple pour preuve « l’étude d’impact environnemental et sociétal » qu’elle a organisé « conformément à la réglementation en vigueur et aux bonnes pratiques internationales » avant le démarrage du nouveau site d’Imouraren au Niger. « Cette étude est également rendue publique avant d’être présentée aux populations lors d’une audience publique », explique Areva, qui prétend avoir tiré les leçons de toutes les critiques antérieures en matière d’opacité. « Un atelier de validation composé d’experts de l’administration, de membres de la société civile (ONG, syndicats, presse, etc.) et de représentants d’Areva est ensuite réuni pour valider l’étude. Faute de validation par le comité ad hoc, le projet minier ne peut être mis en œuvre. À titre d’exemple le contenu du projet Imouraren a ainsi été largement débattu avec l’administration, les ONG, les élus et responsables coutumiers à Agadez en mai 2008. » Selon cette présentation idyllique, la population, clairement informée, disposerait donc d’un droit de veto. En fait, les participants – et encore, pas tous – n’ont pu prendre connaissance des 1500 pages du dossier, très pointues (connaissances nécessaires en géologie, hydrogéologie, radiodétection, radioprotection, etc) que quelques jours avant l’audience. Très opportunément, « le comité ad hoc, pourtant missionné en 2006 par le ministère nigérien de l’Hydraulique et de l’Environnement, [avait] été mis à l’écart, en avril, par un arrêté ministériel. » À la demande de qui ?, peut-on se demander. Par ailleurs, le rapport d’Areva s’appuyait sur des recherches universitaires de terrain qu’elle avait financées. « Mais Areva en arrive ni plus ni moins à inverser les résultats de l’enquête pour affirmer qu’il n’y a pas de nomades sur le permis d’exploitation. » En outre, ce texte « inaccessible en France » est « consultable dans certaines mairies de l’Aïr », mais « il est impossible d’utiliser les informations qui y sont contenues sans autorisation écrite préalable d’Areva… ». On ne saurait faire plus transparent. Enfin l’audience publique s’est tenue à Agadez, et non à Dannet, commune dont dépend administrativement le nouveau site minier : une manière de fuir les populations nomades directement concernées, dont Areva nie jusqu’à l’existence. L’audience s’est par ailleurs déroulée alors que l’état d’urgence était décrété sur la région. « Areva profite de cette situation : qui osera, dans un tel contexte, venir exprimer son désaccord avec le projet du géant nucléaire qui agit en toute impunité avec la bénédiction du pouvoir central nigérien » accuse le collectif « Areva ne fera pas la loi au Niger ».

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